mercredi 15 janvier 2014

De Flatland à l'Evangile

De Flatland à l'Evangile1
Grand-Père était dans son bureau en train de travailler, lorsque quelqu'un frappa à la porte. A son habitude, il abandonna son activité en cours pour se rendre disponible à son visiteur.
— Entrez ! Ah ! C'est toi Johan ! Il y a un problème  ?
— Non ! Rassure-toi ! Je venais juste te rendre ton livre sur Flatland.
— Sacha Guitry, un de tes compatriote, a dit : « Les bon livres sont tellement vexés quand on les prête, qu'ils ne reviennent jamais ». C'est très gentil à toi de me le rapporter. Cela t'a plu  ?
— Oui ! Beaucoup ! Mais le fait que les femmes, dans Flatland, soient matérialisées sous la forme d'un segment de droite, donc avec peu d'intelligence qui, dans ce monde fictif ,est proportionnelle à la surface occupée, me paraisse un tantinet misogyne. J'imagine la tête de Lise en lisant ce livre. Encore que l'idée qu'elles soient obligées de se tortiller le popotin pour se signaler, alors que visuellement dans Flatland elles sont réduites à un point lorsqu'elles font face à leur interlocuteur, me rappelle quelques analogies séduisantes.
— Granny l'a lu. Et cela l'a beaucoup amusée. Mais n'oublie pas que ce livre a été écrit il y a 100 ans, par un professeur de théologie anglicane, dans l'austérité sévère et les préjugés de l'époque pour se moquer des coutumes et des croyances étriquées de l'ère victorienne. Alors qu'en as-tu pensé  ?
— En me le faisant lire, je suppose que tu cherchais à me faire admettre l'idée d'une dimension divine supérieure. Mais dois-je te rappeler que la sphère de Spaceland souligne au carré de Flatland que la troisième dimension n'a absolument rien de divin et qu'un simple cube, habitant Spaceland admet cette troisième dimension comme quelque chose de tout à fait naturel.
— Mais Johan, le carré lui-même, par extrapolation, suggère à la sphère l'existence d'une quatrième dimension que celle-ci refuse d'admettre. D'extrapolation en extrapolation, ne pourrait-on admettre l'existence d'une cinquième, puis d'une sixième, et ainsi de suite jusqu'à une énième se rapprochant de la Divinité  ?
— Oui  ! Je suppose qu'il y en a effectivement potentiellement beaucoup. Mais toutes ces dimensions, pour qu'elles soient tangibles, devraient être habitées. Et qui nous dit qu'elles le soient vraiment. Elles sont certainement vides d'ailleurs. Car le carré, pour percevoir, la troisième dimension, a du rencontrer une sphère qui accepte de se trouver en intersection avec le plan qui définit l'univers plat du carré. Et rien de tel n'a été observé ni relaté dans toute l'histoire de l'humanité.
— Mais peut-être que Jésus, se présentant comme Dieu ayant accepté notre humanité correspond justement à une de ces intersections dont tu parles. Saint-Jean l'évangéliste a écrit :
Personne n'a jamais vu Dieu; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, est celui qui l'a fait connaître.
Jean 1:18
— Et un peu plus loin :
Jésus lui dit: Je suis le chemin, la vérité, et la vie. Nul ne vient au Père que par moi. Si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père. Et dès maintenant vous le connaissez, et vous l'avez vu.
Philippe lui dit : Seigneur, montre-nous le Père, et cela nous suffit. Jésus lui dit : Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne m'as pas connu, Philippe ! Celui qui m'a vu a vu le Père; comment dis-tu : Montre-nous le Père  ? Ne crois-tu pas que je suis dans le Père, et que le Père est en moi  ? Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même; et le Père qui demeure en moi, c'est lui qui accomplit ses œuvres.
Jean 14:6-10
— N'empêche, que pour convaincre le carré de l'existence de la troisième dimension, la sphère a été obligée de le détacher du plan formant son univers pour lui montrer un univers en perspective.
— Oui ! Certes ! C'est ce qu'il faudrait faire s'il s'agissait de convaincre. Mais Dieu préfère le chemin de la foi. Encore que, dans le chapitre 3 du même évangile, Jésus, en répondant à Nicodème, le pharisien, estime qu'il possède déjà toutes les preuves :
Jésus lui répondit : Tu es le docteur d'Israël, et tu ne sais pas ces choses ! En vérité, en vérité, je te le dis, nous disons ce que nous savons, et nous rendons témoignage de ce que nous avons vu; et vous ne recevez pas notre témoignage. Si vous ne croyez pas quand je vous ai parlé des choses terrestres, comment croirez-vous quand je vous parlerai des choses célestes  ? Personne n'est monté au ciel, si ce n'est celui qui est descendu du ciel, le Fils de l'homme qui est dans le ciel. Et comme Moïse éleva le serpent dans le désert, il faut de même que le Fils de l'homme soit élevé, afin que quiconque croit en lui ait la vie éternelle.
Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle.
Jean 3:10-16
— Ça, ça marche pour ceux qui ont connu Jésus. Mais pour les autres  ? C'est particulièrement injuste, objecta Johan.
— Saint-Paul a aussi une réponse pour eux dans l’épître aux Romains :
La colère de Dieu se révèle du ciel contre toute impiété et toute injustice des hommes qui retiennent injustement la vérité captive, car ce qu'on peut connaître de Dieu est manifeste pour eux, Dieu le leur ayant fait connaître. En effet, les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient comme à l’œil, depuis la création du monde, quand on les considère dans ses ouvrages. Ils sont donc inexcusables, puisque ayant connu Dieu, ils ne l'ont point glorifié comme Dieu, et ne lui ont point rendu grâces; mais ils se sont égarés dans leurs pensées, et leur cœur sans intelligence a été plongé dans les ténèbres. Se vantant d'être sages, ils sont devenus fous; et ils ont changé la gloire du Dieu incorruptible en images représentant l'homme corruptible, des oiseaux, des quadrupèdes, et des reptiles.
Romains 1:18-23
— Mais personne n'adore plus de telles idoles. Au contraire, j'ai l'impression que personne ne croit plus en rien.
— Pourtant, cette conscience du divin pousse les hommes vers les sectes qui sont de plus en plus nombreuses.
— Mais ces sectes exploitent les gens qui sont dans le désespoir. Pour les autres ce n'est pas pareil, objecta Johan.
— Crois-en ma longue expérience de professeur de philosophie. Tous les hommes sont dans le désespoir. Ils le camouflent par des parcelles d'espérance, basée sur le matérialisme : la prochaine promotion qu'ils vont avoir, la chaîne HiFi, ou la belle voiture qu'ils vont acquérir, la jolie fille qu'ils vont mettre dans leur lit, et pire que tout, l'argent qu'ils vont amasser pour obtenir tout le reste. Lorsque l'un de leurs objectifs est atteint, ils se retrouvent errants sans but jusqu'à la construction d'un autre dessein plus ou moins accessible. Car ce sentiment d'insatisfaction les pousse à exiger toujours plus, étant finalement prêts à sacrifier leurs proches, puis à sombrer dans la délinquance, voire dans le crime pour l'atteindre.
— Mais tous ne sombrent pas dans la délinquance. Souvent, au contraire, ils s'investissent dans des œuvres caritatives.
— Oui, c'est dans le meilleur des cas. Toutefois, lorsqu'ils échouent, leur désespoir resurgit, et comme tu le dis dans tes démonstrations mathématiques, on se retrouve au cas précédent.
— Mais tous n'échouent pas.
— Oui, c'est le cas pour ces œuvres qui sont d'inspiration divines. Mais dans leur orgueil humain, ceux qui les pratiquent pensent y avoir trouvé LA vérité et ils cherchent à l'imposer comme une règle de vie pour tout le monde, jusqu'à devenir en quelque sorte des dictateurs.
— Ça me rappelle certains chanteurs, qui viennent faire un show pour parrainer une quête, pour le cancer, par exemple.
— J'ai toujours trouvé étonnant ces vedettes de cinéma ou de la télévision, profitant de leur célébrité pour fustiger les spectateurs leur mettant la pression pour donner de l'argent pour telle ou telle cause. Cela frise la manipulation de masse.
— Mais elles-mêmes, elles s'engagent personnellement en faisant cela. Elles font leur show gratuitement, objecta Johan.
— Oui, mais cela ne leur coûte rien en réalité. Ou peu, relativement à ce qu'elles exigent des autres. Peut-être même que cela leur rapporte en fin de compte, car leur bizness, comme ils disent, s'appuie sur leur notoriété. Jésus dénonce cela dans l'évangile de Saint-Marc :
Je vous le dis en vérité, cette pauvre veuve a donné plus qu'aucun de ceux qui ont mis dans le tronc; car tous ont mis de leur superflu, mais elle a mis de son nécessaire, tout ce qu'elle possédait, tout ce qu'elle avait pour vivre.
Marc 12:43-44
— Il y en a aussi qui s'approprient une œuvre, reprit Grand-Père. Ce qui les valorise, s'offusquant lorsque quelqu'un d'autre prétend pratiquer la même activité. Cela arrive même dans nos petites paroisses où certaines personnes, viennent se crêper le chignon dans ce bureau ou dans le bureau du Père Keneth pour exiger de nous un arbitrage, oubliant ainsi l'objectif du service à rendre et Celui qui l'a suscité par le Saint-Esprit.
— Oui ! C'est ce qui se passe aussi chez les chrétiens des différentes religions où chacun impose ses propres règles jusqu'à prescrire son baptême comme le seul valable, objecta encore Johan.
— Oui ! Effectivement. La pire manifestation de ce phénomène se produit dans le milieu religieux chrétien. Et c'est regrettable car nous donnons une image détestable en imposant nos règles respectives plutôt que de se contenter de témoigner de la bonne nouvelle de Jésus ressuscité et d'obéir à ce que nous inspire personnellement le Saint-Esprit. C'est justement ce que reprochait Jésus aux religieux de son temps quand il leur disait :
Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! parce que vous fermez aux hommes le royaume des cieux; vous n'y entrez pas vous-mêmes, et vous n'y laissez pas entrer ceux qui veulent entrer.
Matthieu 23:13
— Dans ce chapitre 23 de l'évangile de Saint-Matthieu, Jésus interpelle huit fois les chefs religieux par cette expression "Malheur à vous", énumérant toutes les dérives religieuses que nous connaissons dans nos églises. Au début de ce chapitre, il accuse même les chefs religieux d'imposer des règles qu'eux mêmes ne veulent pas appliquer :
Les scribes et les pharisiens sont assis dans la chaire de Moïse. Faites donc et observez tout ce qu'ils vous disent; mais n'agissez pas selon leurs œuvres. Car ils disent, et ne font pas. Ils lient des fardeaux pesants, et les mettent sur les épaules des hommes, mais ils ne veulent pas les remuer du doigt.
Matthieu 23:2-4
— J'ai un ami protestant, au lycée, qui m'a soutenu que ces versets s'adressent aux catholiques.
— Je sais. Il est assez coutumier de penser que les versets de la Bible qui nous touchent, ne soient adressés qu'aux autres. Le Père Keneth pourra te l'expliquer mieux que moi. Car, il a rencontré des chrétiens de toutes religions lorsqu'il était à Taizé. Ceci étant, d'un point de vue sémantique, le protestantisme est une dissidence de l'église catholique causée par les abus de l'une et les intolérances de l'autre. Mais eux-mêmes n'échappent pas à la dérive dont ils ont été les initiateurs. De dissidence en dissidence, il existe maintenant plus de 350 religions chrétiennes dont certaines se considèrent comme les seuls vrais chrétiens. Et je ne compte pas les sectes qui se multiplient, qui offrent un message qui ressemble beaucoup au christianisme, mais qui n'ont qu'un seul but, satisfaire la mégalomanie du gourou qui les dirige. Tous les chrétiens, qui prétendent appliquer la Parole de Dieu contenue dans la Bible devrait s'approprier ce que dit Saint-Paul dans l’épître aux éphésiens, car ces dérives existaient déjà dans l'église primitive au temps de l’apôtre :
Je vous exhorte donc, moi, le prisonnier dans le Seigneur, à marcher d'une manière digne de la vocation qui vous a été adressée, en toute humilité et douceur, avec patience, vous supportant les uns les autres avec amour, vous efforçant de conserver l'unité de l'esprit par le lien de la paix. Il y a un seul corps et un seul Esprit, comme aussi vous avez été appelés à une seule espérance par votre vocation; il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous, et parmi tous, et en tous.
Mais à chacun de nous la grâce a été donnée selon la mesure du don de Christ.
Ephésiens 4:1-7
— Et Jésus, le Fils de Dieu, qui connaissait l'humanité avait aussi prévu ces dérives en nous donnant par deux fois, la veille de sa mort, ce commandement :
Je vous donne un commandement nouveau: Aimez-vous les uns les autres; comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres. A ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l'amour les uns pour les autres.
Jean 13:34-35
Voici mon commandement: Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés. Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. Vous êtes mes amis, si vous faites ce que je vous commande.
Jean 15:12-14
— Et plus tard dans la soirée dans la prière que fait Jésus :
Ce n'est pas pour eux seulement que je prie, mais encore pour ceux qui croiront en moi par leur parole, afin que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et comme je suis en toi, afin qu'eux aussi soient un en nous, pour que le monde croie que tu m'as envoyé.
Jean 17:20-21
— Le fait que toutes ces divisions existent pourrait être considéré par les non chrétiens comme la preuve que Dieu n'existe pas, ou que s'Il existe, c'est inutile de croire en Lui car le christianisme a échoué, objecta encore le garçon.
— C'est pourquoi il est du devoir des chrétiens de publier cette bonne nouvelle de Jésus-Christ. C'était exactement le sens de la démarche de Kathleen vis à vis de Sharon, et de Sharon vis à vis des jeunes du village et de Lisbeth et toi.
— Mais nous sommes déjà chrétiens, nous.
— Peut-être ! La question que je poserais, c'est : Chrétien ou religieux  ? En ce qui te concerne, tout dépend de comment TOI, tu t'es approprié cette bonne nouvelle :
Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle.
Jean 3:16
1 NdA - Cet échange entre Johan et son grand-père se situe chronologiquement entre le chapitre 5 - La Maison Paroissiale et le chapitre 6 - Megan et Kyle.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire