jeudi 21 août 2014

Chez le bijoutier à Perth

Chez le bijoutier à Perth1
Pendant les vacances, Megan, la fille du charpentier du village, avait peint le portrait des quatre jeunes filles du manoir, le sien d'abord, puis celui de Kathleen, la jeune fille qui l'avait amenée au Seigneur, et enfin celui de Sharon et de Lisbeth, les deux petites-filles des propriétaires de l'antique demeure. Sur chacun des portraits figuraient un bijou accroché à l'oreille spécialement adapté à la morphologie du modèle. Puis, utilisant les techniques de dentelle que lui avait enseignées le jeune Laird, elle avait réalisé les boucles d'oreille qu'elle avait dessinées, avec des fils de soie colorée et des fils d'or.
Granny avait été émerveillée par la beauté des ouvrages confectionnés par la petite fille. Aussi décida-t-elle de faire remplacer les perles de résine utilisées initialement par de vraies pierres précieuses qu'elle avait en sa possession. Elle comptait faire ainsi une surprise à ses petits-enfants pour la fête du village.
C'est pourquoi Granny se rendit ce jour-là à Saint-John Street, chez son bijoutier à Perth, accompagnée de Megan. L’adolescente était atteinte d'autisme. Mais au cours de l'été, au contact des jeunes gens du manoir qui l'avaient entraînée dans toutes leurs activités, elle avait considérablement progressé. Elle avait accepté avec joie d’accompagner la vieille dame, et se montrait pleine de curiosité.
En entrant dans la bijouterie, elles furent accueillies par l'une des vendeuses qui les entraîna dans l'un des box privatifs réservés aux acheteurs.
— Bonjour Lady MacPelt ! S'exclama la vendeuse en reconnaissant Granny. Je vous en prie, poursuivit-elle en désignant les chaises qui se trouvaient dans le box. Je préviens Mr. Hardy de votre arrivée.
Mister Hardy, le directeur de la bijouterie arriva et s'empressa auprès de la vieille dame.
— Bonjour Lady MacPelt ! Cette charmante jeune fille est l'une de vos petites-filles, je présume ? S'enquit-il.
— Pas vraiment ! Mais soyez avec elle comme si elle l'était. Voici Megan ! Elle a quelque chose à vous montrer.
— Miss Megan ! Salua le directeur en se tournant vers la petite fille.
— Veux-tu montrer tes dessins à Mr. Hardy, ma chérie ?
Megan sortit ses œuvres du carton à dessin qu'elle avait apporté et les déposa sur le bureau. Granny, de son coté, déposa sur chacun d'eux, en regard de leur représentation graphique sur les portraits, les bijoux réels façonnés par la petite fille dans leur boîte de cartonnage colorée.
Le fameux bijoutier fut impressionné par la qualité artistique des parures présentées. Quelque peu décontenancé, il s'adressa à Granny :
— Qu'attendez-vous de moi, exactement ?
— En fait, j'aimerai remplacer les perles de résine utilisées par Megan par ceci.
Granny sortit de son sac à main une petite bourse en peau dans laquelle se trouvaient emballés dans du papier de soie, comme des confiseries, ce qui ressemblait à des petits cailloux colorés.
— Ces pierres sont magnifiques. D'où proviennent-elles ?
— Mon fils Daren me les a offertes, au retour de ses voyages à l'étranger. Je les avais conservées pensant les léguer à Sharon et à Michael en souvenir de leurs parents disparus. Mais mainte-nant, je pense qu'ils sont destinés à orner ces boucles d'oreilles.
Curieusement, les pierres dessinées par Megan sur les portraits présentaient plus de similitude avec les gemmes de la vieille dame qu'avec les perles en matière plastique qui ornaient présentement les boucles d'oreilles. Pourtant, Megan ne les avait jamais vues auparavant. Lorsqu'elle avait tissé les pendentifs, la petite fille avait choisi dans sa panoplie ce qui se trouvait être le plus ressemblant à son souhait.
— Pouvez-vous me confier ces pierres ? Je vais voir ce que je peux faire.
Granny remit les gemmes dans le petit sac et tendit celui-ci au bijoutier, après que celui-ci lui ai rédigé un reçu.
— J'aimerai vous commander encore une chose, demanda Granny au bijoutier.
Puis s'adressant à la petite fille :
— Megan ! Veux-tu montrer ta pierre à Mister Hardy ?
— C'est une très belle calcite, reconnut le joaillier. Le petit insecte, qui s'y trouve prisonnier, en fait une pièce très rare.
— Maintenant, observez le portrait de Megan et ce qu'elle y porte autour du cou. J'aimerais la faire monter en pendentif comme sur le portrait.
— Miss Megan ! Pouvez-vous me confier cette pierre, s'il-vous-plait ?
La petite fille hésita. C'était un cadeau de Kyle, son petit ami, son chevalier. C'était pour elle un objet très précieux. S'en séparer provoquait en elle une douleur à la limite du supportable. Son visage manifesta de l'affolement. Et elle se tourna vers Granny, en quête de secours.
Dans l'un des box voisins, on entendait la voix nerveuse d'une jeune femme. Granny reconnut Helen, sa filleule. Malgré un physique ingrat, mais dotée d'un cœur d'or, elle avait su émouvoir Harry Chapman, un jeune industriel plein de talent, qui venait de se lancer dans la fabrication de circuits et de processeurs électroniques. Celui-ci l'avait épousée. L'industrie informatique alors balbutiante, était promise à un bel avenir. Les premiers succès de son mari leurs assuraient des revenus confortables. Et la jeune femme se trouvait là pour acquérir les bijoux qu'elle devait porter lors d'une réception à laquelle elle devait accompagner son époux.
La vendeuse, flairant la bonne affaire, vantait la beauté illusoire de sa cliente en lui présentant une série de parures tape-à-l’œil dont le mauvais goût heurtait sa sensibilité. Pressée de conclure l'affaire qui allait lui apporter une importante commission, la commerçante avait tendance à en rajouter, au grand agacement de la jeune femme qui, lucide, jugeait le propos hypocrite et manifestait hautement son mécontentement. Elle apparaissait comme étant très difficile à satisfaire.
En entendant cette voix connue, Megan abandonna sa pierre dans les mains du bijoutier, s'empara de son carton à dessin et se dirigea dans le box voisin.
— Tient ! Megan ! s'exclama la jeune femme. Que fais-tu là ? Tu n'es tout de même pas venue ici toute seule ? Evelyn est ici ?
Comme Granny, elle s'adressait à la petite handicapée comme à une personne normale. Pour contrebalancer le rictus méprisant exprimée par la vendeuse, à l'arrivée de Megan, ouvrant les bras, elle ajouta :
— Tu viens m'embrasser ?
La petite fille se précipita dans ses bras. Puis elle ouvrit son carton à dessin, s'empara d'un crayon et se mit à dessiner. Pendant ce temps, Granny, vint saluer sa filleule.
Lorsque la petite eut terminé, elle présenta son œuvre à Helen qui l'embrassa.
— C'est exactement ce qu'il me faut, s'écria-t-elle, brandissant la planche et la fourrant sous le nez de la vendeuse.
Megan l'avait représentée habillée d'une robe de soirée, un collier autour du cou, des bracelets aux bras et des pendentifs aux oreilles. L'ensemble formait un tableau charmant. Même si la silhouette d'Helen apparaissait brouillée en comparaison de la netteté avec laquelle les bijoux avait été tracés, la jeune artiste avait su rendre, dans l'expression et l'attitude, la personnalité généreuse de la jeune femme.
Le joaillier avait suivi Granny. En voyant arriver son patron, sur un geste de celui-ci, la vendeuse lui abandonna sa cliente difficile avec une moue de dépit. S'emparant du carton à dessin, après un examen studieux de celui-ci, il dit à la jeune femme :
— Fabriquer pour vous cette parure ne pose aucune difficulté. Quand souhaitez-vous en prendre possession ?
— J'en aurai besoin avant quinze jours. Est-ce possible ?
— Pas de problème ! Me permettez-vous de montrer ce dessin à mon épouse ?
— Mais certainement ! répondit Granny
— Mary ! Tu peux venir un moment ?
Le bijoutier et sa femme étaient eux-mêmes de grands artistes. Et leur notoriété s'était établie sur des créations audacieuses, dont le gout sûr pouvait se mesurer à celui de leurs plus grands concurrents parisiens.De nombreux clients, délaissant les joailliers de grandes villes comme Édimbourg, Glasgow et même Londres, préféraient faire un détour par Perth pour pouvoir acquérir leurs merveilleux ouvrages. La sévère épouse du bijoutier apparut, sortant de l'arrière-boutique.
— Lady MacPelt ! Mrs. Chapman ! Salua-t-elle. Qui-y-a-t ‘il ? demanda-t-elle en se tournant vers son mari.
— Mary ! Regarde ceci.
— Qui a dessiné cela ? S’étonna-t-elle ? C'est splendide.
— Miss Megan, que voici, répondit son mari en désignant la petite fille qui avait accompagné Granny.
— Cette petite a un talent extraordinaire. Quel avenir envisagez-vous pour elle ? demanda-t-elle à Granny
— A vrai dire, c’est un sujet d’inquiétude pour nous. Malgré son handicap, elle fréquente l'école. Ses dessins et ses peintures sont magnifiques. Elle est aussi l'auteur de poèmes merveilleux, quoiqu'assez déconcertants. Bien que je ne l'aie jamais entendue lire à haute voix, la qualité de son écriture me fait penser qu'elle sait lire couramment. Elle a beaucoup progressé cet été. Car, maintenant, de temps en temps, elle arrive à s'exprimer oralement. Mais il me parait difficile de l'inscrire dans l'un de nos pensionnats élitistes pour la suite de sa scolarité. Nous envisagions de la garder au manoir comme demoiselle de compagnie.
— Quel dommage qu'elle ne puisse développer de telles aptitudes. Si mon mari est d'accord, je crois que j'ai une proposition à vous faire.
— Quelle est votre idée ?
— Voilà ! Les enfants sont grands. Ils sont partis s'établir à Londres et à Paris. A la rentrée, nous pouvons mettre à disposition une chambre à Miss Megan pour la prendre en apprentissage ici, à Perth.
— Je ne suis pas sûre que Megan soit prête à quitter sa famille, objecta Granny, observant le visage angoissé de la petite fille qui écoutait, anxieuse, la conversation. Elle est très fragile. Un éloignement risque fortement de la perturber.
— Pour ne pas trop la bousculer, au début, elle pourra ne venir qu'un ou deux jours par semaine. Ce qui lui permettra de s'habituer. Puis par la suite, on verra.
— Il faut d'abord que j'en parle à Charles et à ses parents.
— Moi, je trouve que c'est une très bonne idée, opina Helen Chapman. Ce serait un crime que d'enfouir un tel talent sous le boisseau2. Je me chargerai d'aller la chercher et de la ramener en voiture. Cela me donnera un prétexte pour prendre le thé au manoir. Je passerai la voir tous les jours. Qu'en penses-tu, Megan ? Osa-t-elle demander à la petite autiste.
Au début de la conversation, comprenant qu’on parlait d’elle, Megan avait exprimé de l'angoisse. Mais devant l'attitude bienveillante de la bijoutière et sous le regard affectueux d'Helen et de Granny, son visage, un instant bouleversé se rasséréna. Le fait qu'on lui demande son avis lui prouvait que si elle n'arrivait pas à supporter la séparation avec sa famille et ses amis, elle pourrait toujours revenir quand elle voudrait. Et elle sentit qu'elle pouvait compter sur Helen pour la ramener à Galdwinie.
— Et le premier bijou que tu réaliseras est ce superbe pendentif que je vois à ton cou sur ce dessin, insista encore la bijoutière en lui désignant le portrait de Megan qui se trouvait encore entre les mains de son mari.
— Je veux bien, finit-elle par répondre.
Megan saisit la main que la bijoutière lui tendait et elle l'accompagna vers un établi situé dans l'arrière-boutique pendant que Granny et Mr. Hardy s'accordaient sur les dernières modalités à propos des commandes de la vieille dame.
1 NdA - Cette anecdote, à la bijouterie de Perth, se situe chronologiquement entre le chapitre 6 - Megan et Kyle et le chapitre 7 - Les quatre perles de Galdwinie
2 Evangile de Saint-Matthieu 5:15 :
On n'allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais on la met sur le chandelier, et elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison.

mercredi 30 avril 2014

Randonnée à la cascade

Randonnée à la cascade1
Ce dimanche après-midi, les jeunes de la paroisse avaient organisé une régate sur le Loch. Les travaux de la Maison paroissiale étaient bien avancés. Le repos dominical étant de rigueur à Galdwinie, Michael et Bruce, le grand frère de Kyle avait suggéré cette activité récréative pour récompenser les efforts fournis par les garçons et les filles du village. Grand-Père avait réservé quatre dériveurs pouvant embarquer chacun un équipage de cinq équipiers. Les quatre aînés, Bruce, Moïra, Michael et Johan avaient été désignés comme skippers.
Mais lorsque Kyle arriva pour embarquer, Bruce refusa de l'emmener. Du coup, Johan, ne voulant pas laisser le petit garçon tout seul, laissa sa place à un autre adolescent qui profita de l'aubaine, sachant que Lisbeth, qui avait son habilitation, pourrait barrer à sa place.
Restés à terre, ils regardèrent les jeunes hisser les voiles et les voiliers prendre le vent. Profitant de l'allure portante, les équipiers sortirent les spis de leur chaussette et les déployèrent audacieusement. Et Johan, qui avait pris son matériel de photo, équipa son appareil d'un zoom pour prendre quelques clichés des voiles multicolores gonflées à l'avant des bateaux.
— Pas trop déçu, Kyle ? demanda Johan en se tournant vers le garçon qui se tenait à ses côtés.
— Bruce exagère. Lui, ne se gênait pas pour partir naviguer alors qu'il ne savait pas encore nager.
— Sur ce coup-là, je pense qu'il a raison. C'est très dangereux de naviguer sans savoir nager.
— Mais on a tous de gilets de sauvetage. On ne peut pas couler.
— Mais l'eau est très froide. Il faut savoir contrôler sa respiration. Et puis aussi, pourquoi n'as-tu pas appris à nager ? Tu aurais pu me prévenir. On aurait trouvé une autre activité à laquelle tout le monde pouvait participer.
— Mais toi, pourquoi n'es-tu pas parti avec eux ?
— Je ne t'aurai pas laissé seul. On est dans la même équipe, n'est-ce-pas ?
— Mais Lise aussi est dans notre équipe. Pourtant elle est restée avec eux, elle.
— Il aurait manqué un skipper. En plus, elle est beaucoup plus douée que moi pour barrer. A la place, je te propose une randonnée à la cascade. On ne va pas rester enfermés. Il fait trop beau pour ne pas en profiter... Et je pourrai aussi faire des photos, ajouta-t-il.
— On peut emmener Megan ? demanda Kyle.
— Oui, si tu veux ? Tu penses qu'elle pourra nous suivre ?
Kyle ne répondit pas. Johan ressentait fortement sa déception. Le petit garçon avait fait preuve de beaucoup de persévérance en façonnant les balustres de la galerie pour la Maison Paroissiale. Malgré son talent incontestable en menuiserie, il souffrait toujours de son complexe par rapport à son grand-frère qui frappait l'enclume de son marteau avec force et compétence à la forge paternelle. Bruce, de façon maladroite, venait de faire subir une humiliation supplémentaire à son petit frère.
— Va t'équiper pour la marche, dit Johan. Tu me rejoins au manoir. Megan doit s'y trouver avec Granny.
Le petit garçon courut chez lui, tandis que Johan s'acheminait vers le manoir.
Après être entré dans le hall, Johan se dirigea vers le petit salon où il espérait trouver Megan en compagnie de sa grand-mère. En arrivant, il entendit, à travers la porte fermée, les paroles douces et maternelles de Granny. Le ton paraissait étonnamment jeune. Un instant, il pensa que sa cousine était enfin revenue de son voyage au Pays de Galles. Sharon et la vieille dame avaient la même voix. Et l'évocation de l’absente serra le cœur du jeune homme.
Granny devait s'entretenir avec la petite autiste. Sans se laisser troubler par le mutisme et le regard étrange de la petite fille, elle s'adressait à elle comme à une personne normale. Car elle refusait catégoriquement de la considérer comme une handicapée.
Johan frappa et entra dans le petit salon. Il trouva Granny commentant le dessin qui lui présentait Megan. Sous l'emprise de la rêverie mélancolique provoquée par la voix câline de Granny à travers la porte, en voyant les longs cheveux blonds de la petite fille, il eut l'impression que c'était Sharon qui se trouvait là. Mais la réalité brutale l’oppressa à nouveau.
Au bruit qu'il fit en entrant, la petite fille, abandonnant le portrait dans les mains de la vieille dame, se précipita dans ses bras pour l'embrasser. Puis, avec un cri de triomphe, elle s'enfuit à travers la porte-fenêtre pour rejoindre Kyle qu'on voyait arriver dans le jardin.
— Tient ! Johan ! Je croyais que vous étiez tous partis naviguer sur le Loch. Qu'est-il arrivé ?
La vue inattendue de Johan inquiéta Granny, qui redoutait que les humeurs de son petit-fils n'aient causé une nouvelle catastrophe. Le garçon la rassura :
— Kyle n'a pas encore passé son brevet de natation et Bruce n'a pas voulu prendre le risque de le prendre avec nous. Du coup, j'ai laissé ma place pour rester avec les petits.
— C'est bien ce qui tu as fait là, apprécia la vielle dame, mesurant le sacrifice que cela avait coûté à Johan. Mais qui va barrer le quatrième dériveur ? S'enquit-elle.
— Lise s'est proposée comme skipper à ma place. Ses équi-piers vont gagner au change. A la barre, elle se débrouille bien mieux que moi.
— Ne fait pas de fausse modestie. Je n’aime pas ça. Je sais que tu t'y entends toi-même très bien. Que comptes-tu faire alors ?
— Je vais emmener les petits en randonnée.
— Ah ! Je comprends mieux maintenant l'obstination de Megan à garder aux pieds ses souliers.
— Comment ça ?
— Après le repas de midi, elle est retournée chez elle. Je pensais qu'elle était partie au Loch pour assister au départ des bateaux. Mais elle est revenue habillée comme ça.
A travers la porte fenêtre, Granny désignait Megan, en short chaussée de ses godillots, qui courrait dans le parc avec Kyle.
— Non pas que je craigne pour mon parquet. Mais je pensais qu'elle resterait en robe avec ses chaussures du dimanche pour passer l'après-midi avec moi. Je lui passe le short, car c'est une belle journée, aujourd’hui. Mais quand je lui ai suggéré d'aller au moins se chausser avec quelque chose de plus léger, elle persista opiniâtrement à conserver ses gros souliers.
— Tu veux dire qu'elle savait ce qui allait se passer ? Que j'allais venir la chercher pour partir en balade ?
— Je sais que ça parait incroyable. Mais c'est probablement le cas.
— Elle est vraiment étrange cette gamine. Quel dommage qu'elle ne soit pas normale !
— Je déteste cette expression ! lui reprocha Granny. Et qu'est-ce que la « normalité », d'abord ? Si on considère, les savants ou les artistes, leurs œuvres sont le fruit de talents exceptionnels.
— Mais là, tu parles de gens particuliers. Mais pour la majori-té...
— Après la messe ce matin, avec ton grand-père, nous sommes allé voir la Maison paroissiale. J'ai admiré la balustrade sculptée par Kyle, les appliques murales forgées par Bruce, le lustre monumental restauré par son père. Et je pourrais continuer cette énumération à l'infini. La majorité, comme tu dis, est constituée d'individus qui tous ont des talents portant en eux des caractères d'exception.
— Mais là tu parles de talents qui sont positifs, pas de caractères qui peuvent être considérées comme des tares, pour celui qui en est affecté.
— Mais peut-être est-ce toi qui pose mal le sens de ce qui est positif ou négatif.
— Comment ça ?
— Les échelles de valeur pour évaluer les gens sont très relatives et peuvent même être inversées. Sais-tu comment David est devenu roi ?
— Le David de Goliath ? Il a été sacré à la place du roi Saul.
— Précisément ! Mais connais-tu l'histoire telle qu'elle est racontée dans la bible ?
Le jeune homme avait bien commencé à lire la bible. Mais il n'était pas encore arrivé à l'histoire du royaume d'Israël.
— Raconte, dit-il à sa grand-mère.
— L'histoire est relatée au chapitre 16 du premier livre du prophète Samuel.
« Dieu demande à Samuel de partir à Bethléem chez Jessé pour oindre l'un de ses fils comme roi d'Israël. Arrivé chez Jessé, Samuel lui demande de lui présenter ses fils. En voyant arriver l’aîné, particulièrement baraqué, Samuel se dit que c'est certainement lui le roi d'Israël qui sauvera son peuple de la domination des philistins. Mais Dieu en a décidé autrement. Il choisit David, le plus petit, le dernier des fils de Jessé qui servait de berger, la tâche la plus humble, mais aussi la plus formatrice pour la mission compliquée qu'Il lui destinait : paître le peuple de d'Israël et le protéger de ceux qui le décimaient. »
— Oui ! Je connais cette histoire.
— Sais-tu ce que Dieu dit à Samuel dans cette circonstance ? Je te cite le verset :
Ne prends point garde à son apparence et à la hauteur de sa taille, car je l'ai rejeté. L’Éternel ne considère pas ce que l'homme considère; l'homme regarde à ce qui frappe les yeux, mais l’Éternel regarde au cœur.
I Samuel 16:7
— Tu veux dire que Dieu a choisi explicitement Kyle et Megan pour la Maison paroissiale.
— Oui ! Probablement !. Et ce n'est pas la première fois que ce genre de chose arrive. C'est arrivé à Moïse lorsqu'il a dû construire le tabernacle. Et je trouve l'analogie de situation particulièrement adaptée :
L’Éternel parla à Moïse, et dit: Sache que j'ai choisi Betsaleel, fils d'Uri, fils de Hur, de la tribu de Juda. Je l'ai rempli de l'Esprit de Dieu, de sagesse, d'intelligence, et de savoir pour toutes sortes d'ouvrages, je l'ai rendu capable de faire des inventions, de travailler l'or, l'argent et l'airain, de graver les pierres à enchâsser, de travailler le bois, et d'exécuter toutes sortes d'ouvrages. Et voici, je lui ai donné pour aide Oholiab, fils d'Ahisamac, de la tribu de Dan. J'ai mis de l'intelligence dans l'esprit de tous ceux qui sont habiles, pour qu'ils fassent tout ce que je t'ai ordonné :
Exode 31:1-6
— Peut-être que les talents de Betsaleel et Oholiab n'étaient évident non plus pour Moïse, reprit Granny.
— J'avoue que quand tout le monde est parti dans les autres équipes, je me suis senti rejeté et vexé, alors que seul Kyle et Megan sont restés avec moi. Au début, je me suis demandé à quoi pouvait être utiles ces deux petits. Puis Kyle m'a raconté comment il avait tenté de réparer la balustrade de la galerie.
— Aux yeux de Bruce, Kyle n'est pas doué. Car, plus chétif que son frère, il n'arrive pas à manier le marteau avec la même adresse. En revanche, aux yeux de Megan et de son père, le petit garçon est considéré comme particulièrement talentueux au vu des ouvrages qu'il a réalisés.
— Oui ! Mais avec Kyle, on arrive à communiquer. Alors qu'avec Megan, c'est impossible. Comment veux-tu que je trouve le talent de Megan pour la Maison ?
— Je suis en train de me demander qui, de toi ou de Megan est le plus handicapé en termes de communication.
— Que veux-tu dire ?
— Si je ne m'abuse, quand tu es arrivé tout à l'heure, en se précipitant pour t'embrasser, elle a su t'exprimer son amour, mieux que par des paroles, et probablement avec plus de sincérité. Et son cri, en sortant pour rejoindre Kyle, nous a fait connaitre le plaisir et la joie qu'elle éprouvait de partir en promenade avec son petit ami. Comme dit Notre Seigneur, « que celui qui a des oreilles pour entendre, entende2 ».
— Tu ne trouves pas ça un peu primitif comme expression ?
— Je pense qu'elle s'adresse à nous selon ce qu'elle perçoit de notre capacité à saisir ce qu'elle a à nous communiquer.
— Tu ne vas pas me dire qu'elle nous considère comme des idiots incapables de la comprendre.
— Je me pose quelque fois la question. Dans le temps, on appelait ce qu'a Megan, le « don de Saint-Colomban3 ». Et les anciens, avec une terreur superstitieuse, étaient toujours attentifs aux manifestations diverses de ceux qui en étaient doués.
— Mais ça n'aide pas pour discuter avec elle.
— Je trouve que Kyle s'y prend très bien. Regarde-les. Quand tu t'adresses à Megan, parle-lui le même langage que tu utilises avec nous. Pas ce pidgin bêtifiant que certaines personnes emploient avec leurs animaux de compagnie ou avec les bébés. Et ne te laisse pas impressionner par son regard fuyant. Toi, regarde-la droit dans les yeux.
Les deux petits étaient en train de jouer dans le parc. Megan, contre son habitude, de façon étonnante, arrivait à garder son regard attaché à Kyle. Et c'était un regard de fierté et d'amour. Comme ils commençaient à manifester de l'impatience en attendant Johan, Granny reprit :
— Où comptes-tu les emmener ?
— Je pensais à la cascade.
— Demande à Sarah des biscuits et du chocolat. Ils seront fatigués et auront besoin de reprendre des forces en arrivant là-haut. Et je n'ose pas t'interdire de les emmener dans la grotte derrière la chute d'eau. Car tu t’empresserais de me désobéir. Mais sois prudent. Prends bien soin d'eux.
Johan ne put s’empêcher de sourire au propos de sa grand-mère. Granny, à son habitude, faisait encore preuve d'un discernement redoutable. Comment avait-elle pu deviner son intention ?
Suivant le conseil de Granny, il se rendit à la cuisine accompagné de Megan et de Kyle. Sarah lui fournit les provisions demandées qu'il fourra dans le sac à dos dont il s'était muni pour transporter son matériel photo. Il y ajouta des canettes de soda et une gourde d'eau, car l’anticyclone s'était déplacé vers la mer du nord entraînant sur la région un vent du sud sec et chaud. Les petits eurent droit à une distribution supplémentaire de chocolat qu'ils s'empressèrent de commencer à grignoter. Ainsi équipé, Johan les entraîna vers le village pour emprunter le sentier balisé qui les amènerait au but de leur périple.
— Ce n'est pas très malin d'avoir mangé le chocolat maintenant. Il fait chaud et vous allez avoir soif, fit-il remarquer.
Les deux petits ne prirent même pas la peine de lui répondre, se contentant de lui sourire en savourant la friandise. Inquiet quant à leur capacité à supporter une marche de trois miles de montée, il prit un pas lent et mesuré. Mais Megan et Kyle, plus habitués que lui aux activités de plein air l’entraînèrent à une allure plus sportive le long de la rivière qui descendait en torrent de la montagne.
— On monte jusqu'à l'Ermitage ? Demanda Kyle.
— Non ! C'est trop loin. Il aurait fallu partir ce matin, répondit Johan.
Deux ans auparavant, Johan, Lisbeth, Sharon et Michael y avait vécu une aventure épique. Surpris par le brouillard dans les ruines de l'antique chapelle, ne supportant plus l'humidité poisseuse de la brume, ils avaient pris le risque de descendre au jugé malgré leur crainte de s'égarer dans la lande obscure ou de s'enliser dans les tourbières. Une autre fois, reproduisant les manipulations du crest qui ornait le manteau de la cheminée dans l'antique salle d'arme du manoir sur celui gravé sur l'autel dans la crypte souterraine de l'Ermitage, ils avaient découvert un passage secret qui les conduisit à travers les galeries d'une grotte naturelle jusqu'à derrière la cascade.
A ce souvenir, et remarquant la moue du petit garçon, il ajouta :
— Mais je vais vous montrer un secret.
Cette promesse suffit à rasséréner le gamin qui se mit à courir pour rejoindre Megan. Celle-ci avait pris de l'avance pendant leurs échanges. Ce qui obligea Johan à allonger le pas pour les rattraper.
Aux abords de la cascade, le chemin était pavé selon la même technique que l'on retrouve sur les voies romaines. Mais ici, la chaussée ne menait nulle part et s'arrêtait au bord de l'eau. Les grandes dalles qui pavaient régulièrement la rive à cet endroit devaient servir de lavoir aux paysannes.
Le lieu était agréable. La brume engendrée par la chute d'eau apportait une fraîcheur appréciable. Même en été, le site était imposant. Les fois précédentes où Johan s'était rendu dans cet endroit, le temps brumeux ou pluvieux ne lui avait jamais permis de prendre des photos de la chute d'eau. Il sortit son matériel pour fixer sur la pellicule les arcs-en-ciel produits par la réfraction de la lumière du soleil dans les embruns générés par la cataracte. Puis il photographia les deux petits qui s'étaient mis à jouer avec l'eau.
— Faites attention de ne pas tomber à l'eau. Je n'ai pas envie d'affronter les remontrances de Granny et les froncements de sourcils de Grand-Père quand il est en colère, si je vous ramène trempés au manoir, les avertit-il.
— On peut monter là-haut ? demanda Kyle.
— Oui ! Je vais vous montrer. Mais, avant, vous devez me promettre de rester auprès de moi et de ne pas vous approcher du bord. C'est très glissant.
Se remémorant les indications de Michael et de Sharon qui lui avaient révélé ce passage dans le passé, Johan guida les enfants dans le labyrinthe de roche qui constituait le pied de la cascade. Caché derrière un monolithe s'amorçait un escalier dont les marches inégales formaient des paliers de quelques pieds. Megan et Kyle se précipitèrent pour les escalader.
Au sommet, Johan, qui les avait suivis, les éloigna du précipice en les guidant plus en amont, là où la rivière était moins profonde et s'écoulait paisiblement. Sur les rives poussaient des buissons de chardons dont la chevelure mauve couronnait les grattons piquants.
S'asseyant sur les pierres qui semblaient disposées à cet effet, Johan sortit de son sac les biscuits et le chocolat pour effectuer le partage des provisions entre les enfants. Puis Kyle s'éloigna pour construire de petits barrages pour canaliser l'eau vers les ruisseaux qu'il avait creusés. Sortant son canif, le gamin se mit à construire un petit moulin avec des morceaux de bois ramassés sur la berge. Johan en profita pour le photographier en train d'opérer.
Pendant ce temps-là Megan s'était éloignée. Inquiet quant à sa disparition, Johan abandonna son appareil photo pour la chercher des yeux. Rassuré, il la vit revenir avec une couronne de fleurs de chardons dans les cheveux. Elle en avait même accroché dans les cheveux qui lui tombaient dans le dos. Elle s'était servie des pétales roses comme fard à paupières et, coquette, elle en avait étalé également sur les joues. Attifée comme cela, elle ressemblait à une elfe de la lande. Elle était très jolie. Ce qui motiva Kyle à quitter son occupation pour venir admirée sa petite amie et Johan à changer de sujet pictural pour fixer la petite fille de son téléobjectif.
Malgré tout, il fut inquiet en constatant comment les fleurs de chardon était accrochées à la chevelure de Megan. Il se souvint de la difficulté à ôter les grattons des bardanes qu'il avait lancé une fois dans la chevelure de sa petite sœur pour la taquiner. Alors qu'il envisageait, à bout de patience, de recourir aux ciseaux, Lisbeth l'avait menacé de lui raser la tête s'il persistait à vouloir opérer ainsi. Mais pour Megan, il constata, soulagé, que les bractées de la fleur du chardon écossais n'étaient pas aussi agrippantes que celles de la plante ardennaise.
Quand Kyle eut réussi à régler son moulin pour que celui-ci fonctionne tout seul, il se retourna vers Johan.
— C'était ça le secret ? demanda-t-il.
— La première fois que nous avons emprunté ce chemin, Michael m'a confié qu'il s'agissait en effet d'un secret de famille. Mais il en existe un plus fantastique encore. Il faut redescendre.
Effectivement, pour quelqu'un qui ne connaissait pas l'endroit, il était pratiquement impossible de déceler, dans le labyrinthe de roches qui encombraient les abords de l'escarpement, le passage qui reliait le haut et le bas de la cascade.
Kyle et Megan suivirent le jeune homme qui les amena juste au pied de la chute d'eau. A cet endroit, la chaussée pavée semblait se poursuivre sous l'eau bouillonnante. Megan ouvrit les poches du sac à dos que portait Johan pour en sortir les K-Way qu'il avait pris la précaution d'emporter, peu confiant envers la météo capricieuse de la Calédonie.
— Oui ! Megan ! approuva-t-il. Je vois que tu as compris ce que nous allons faire.
Les yeux de la petite fille brillaient de curiosité. Après avoir enfilé son imperméable, elle pénétra crânement à travers l'eau. Pourtant, à cet endroit le liquide tombait à grande vitesse de toute la hauteur de la cascade. Il fallait une bonne dose de courage et d'audace pour oser passer à travers. Les garçons, retenant leur respiration, pénétrèrent à la suite de Megan à travers le flot vrombissant.
L'entrée de la caverne formait une immense voûte entièrement cachée derrière la chute d'eau. Au pied, se trouvait un bassin bouillonnant dans lequel se jetait une rivière qui provenait des entrailles de la montagne. La cascade se trouvait être le confluent de la rivière de surface et de la rivière souterraine qui coulait tumultueuse à côté de l'endroit où ils se trouvaient. A cette heure de la journée, le soleil donnait directement dans l'axe de la grotte qui semblait fermée par un rideau de nacre éblouissant.
A l'endroit par où ils étaient passés, il n'y avait qu'un mince rideau d'eau pour masquer l'entrée de la caverne. De l'intérieur cela ressemblait à une vitre irisée. Seules la vélocité du débit et une illusion d'optique due à la configuration particulière des roches qui en fermaient l'entrée permettaient de donner, de l'extérieur, cette impression de torrent impétueux qui protégeait l'accès.
Ils ne s'étaient pas embarrassés de lampe. Mais la clarté opaline qui illuminait la grotte révélait des concrétions formant des colonnes dignes d'une cathédrale. Un pont maçonné enjambait le torrent souterrain, reliant la chaussée dallée à un chemin naturel qui montait doucement vers la crypte par quelques marches parsemées le long des gours luisants qui barraient l'écoulement de l'eau.
Johan n'avait pas prévu de parcourir les galeries jusqu'à la petite chapelle en ruine. Son intention se limitait à faire admirer ce lieu magnifique à ses petits amis. Mais il les entraîna sur le pont pour remonter le chemin souterrain jusqu'à ce que l'obscurité croissante ne l’empêche d'avancer en toute sécurité.
Pendant la montée, Kyle remarqua un trou dans lequel il semblait que l'on pouvait accéder par un petit escalier naturel.
— Je vais aller l'explorer, s'écria Kyle en se précipitant.
— Non ! Surtout pas ! Réagit Johan en retenant le garçon par le bras.
—  Mais pourquoi ? protesta le gamin en cherchant à se dégager. L'eau n'est pas profonde en bas.
— Regarde la paroi ! Elle est luisante ! L'eau en s'écoulant doucement y dépose le calcaire qu'elle a dissous en s'infiltrant dans la roche. Mais cette réaction dégage du gaz carbonique.
— Et alors ?
— Alors, le gaz carbonique étant plus lourd que l'air, il s'accumule dans les trous. En descendant tu risques de mourir asphyxié.
— Mais ici aussi les parois sont luisantes et nous arrivons à respirer.
—  C'est parce que, ici l'air circule. Si tu ne me crois pas, je vais te montrer.
Il prit le morceau de bougie, vestige d'un camp antérieur et le briquet qu'il avait remarqués dans son sac en distribuant les canettes de soda lors de la pause au sommet de la cascade. Il alluma la bougie, y noua un bout de ficelle pour la faire descendre doucement dans le trou. La flamme brillante au début, diminua au fur et à mesure de la descente, puis s'éteignit étouffée par le dioxyde de carbone accumulé. Kyle voulut réitérer l'expérience lui-même pour vérifier.
Avant de s’éteindre, la lumière de la bougie révéla des cristaux brillants accumulés sur les marches. Causé par un accident géologique quelconque, une stalactite s'était détachée de la voûte. En se brisant sur le sol, elle avait libéré une multitude de fragments translucides d'une belle couleur bleue pale tendant vers le vert. Malgré les avertissements de Johan, Kyle descendit pour en ramasser une poignée. Il choisit le plus gros pour le montrer à ses compagnons.
A la forme rhomboédrique caractéristique du cristal, Johan reconnu une calcite. Un petit insecte y était piégé.
— Il y a deux bestioles à l'intérieur, fit remarque Kyle
— Mais non ! Il n'y en a qu'un, répondit Johan. C'est une illusion d'optique.
Sans vouloir faire subir aux enfants un cours compliqué sur les propriétés biréfringente du cristal, Johan sortit le filtre polarisant avec lequel il équipait l'objectif de son appareil photo, lorsque la brume d'été diffusait la lumière du soleil, pour saturer le bleu du ciel ou de la mer et accentuer le contraste. Selon l'orientation du filtre devant le cristal, l'une ou l'autre des deux images de l'insecte disparaissait.
— Il faut toujours se méfier de ce que l'on voit, dit Johan.
En prononçant ces paroles, il se remémora les entretiens philosophiques qu'il avait eus avec Grand-Père au cours de l'été. Celui-ci, à plusieurs reprises, voulant lui faire percevoir les réalités spirituelles occultées par son approche trop rationnelle, lui avait fourni de nombreux exemples des paradoxes apparents produits par les faiblesses de nos sens humains qui déforment notre perception de la réalité. Et lui-même, venait d'en produire un autre à partir de la trouvaille de Kyle. Le verset du livre Samuel que lui avait cité Granny lui revint à l'esprit : Ne prends point garde à son apparence ... l'homme regarde à ce qui frappe les yeux, mais l’Éternel regarde au cœur.
Interrompant sa réflexion, le jeune garçon lui prit la pierre des mains pour l'offrir comme cadeau à Megan qui se la posa sur la poitrine. Sur le moment, ce geste rappela vaguement quelque chose à Johan, sans qu'il puisse précisément identifier de quoi il s'agissait.
— Venez ! dit-il aux enfants en regardant sa montre. Il est temps de rentrer.
Sur le chemin du retour, ils furent tous les trois silencieux. Les deux petits marchaient devant lui en se tenant la main, échangeant des regards révélant l'amour et l'admiration qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre. Il se rappela alors comment lui aussi tenait la main de Sharon sur ce même chemin. Le souvenir de sa cousine lui serra de nouveau le cœur. Elle lui manquait tellement.
Megan ressentit probablement le malaise du jeune homme. Car elle retint Kyle pour saisir de sa main libre, celle de Johan. Comme au début de l'après-midi dans le salon de Granny, dans une circonstance analogue où il était malheureux au souvenir de la jeune fille absente, la petite fille lui manifestait son affection.
La fatigue de la randonnée se faisait sentir. Malgré tout, ils arrivèrent au manoir assez tôt. Il restait du temps avant que les autres ne reviennent de leur périple sur le Loch.
Tandis que Megan retournait auprès de Granny, Kyle et Johan se rendirent à l'embarcadère pour assister à l'arrivée des voiliers. Tous les jeunes avaient pris des couleurs sous le soleil ardent de l'après-midi, même Lisbeth malgré la couche de crème protectrice dont elle s'était enduit le visage.
— Tu es rouge comme une écrevisse, la taquina Johan, au moment où elle débarquait.
— C'est très exagéré, répondit-elle. Mais Michael, lui, s'est pris un bon coup de soleil.
Après avoir mis les bateaux en sécurité, ils retournèrent au manoir où ils retrouvèrent Granny, Sarah et Grand-Père qui s'étaient installés dans le parc pour profiter de la température vespérale particulièrement clémente ce jour-là. Megan se tenait à côté d'eux en train de dessiner.
La plupart des ados étaient rentrés chez eux. Mais Bruce et Moïra était restés avec Michel et Lisbeth. Voyant le jeunes gens en train de commenter les périples de la journée, Grand-Père proposa un dîner en plein air, approuvé par Granny. Sarah se leva pour s'occuper du repas.
— Je vais aider Sarah à la cuisine pour préparer les sandwichs, proposa Moïra.
— Je t'accompagne, ajouta Bruce.
Les deux jeunes gens appréciaient être ensemble. Ayant dû barrer chacun un dériveur, ils ne s'étaient pratiquement pas parlés de l'après-midi. L'intimité de la cuisine en compagnie de Sarah était pour eux une occasion inespérée. Il était évident pour tous qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre plus qu'une simple affection. Mais aucun d'eux n'avait encore osé faire le premier pas.
Johan s'approcha derrière Megan pour connaitre le sujet qu'elle avait choisi d'esquisser. La petite fille était en train de reproduire la cascade qui avait été le but de leur excursion de l'après-midi. Elle utilisait alors des craies de couleurs et bien qu'à l'état d'ébauche, le croquis permettait déjà de reconnaitre la disposition exacte du site, à deux exception près, cependant. Le bassin en bas de la chute d'eau était entouré de massifs de fleurs rouges veinées du même violet des fleurs de chardons que la petite avait conservé dans sa chevelure. Et on devinait dans le moiré sensé rendre la vitesse du liquide, un portail en reflet bleu-vert, de même couleur que le cristal découvert, qui marquait l'emplacement par lequel ils avaient pénétré dans la grotte. Les fleurs crayonnées, comme la silhouette du portail, devaient sortir tout droit de l'imagination de la fillette, car Johan n'en avait jamais vu de pareille. Et aucune solution de continuité ne révélait l’accès à la grotte derrière le flot qui protégeait le secret.
Granny collectait les œuvres de la petite autiste dans un grand carton à dessin. Celui-ci, ouvert sur la table voisine, laissait voir le portrait de Megan que celle-ci avait dessiné pour Johan. Autour de son cou, la gemme trouvée par Kyle était représenté pendue à une chaîne.
La position du cristal sur la poitrine de Megan lui rapella le geste de la petite fille lorsque Kyle le lui avait donné dans la caverne.
— Megan n'a pas retouché ce portrait depuis que nous sommes rentrés de balade ? demanda Johan à Granny.
— Non ! Je suis sure que non, répondit Granny, étonnée de la question.
— Megan ! Tu veux bien montrer à Granny la pierre que t'a donnée Kyle, s'il te plait ?
Comme Johan, Granny constata la similitude remarquée par le jeune homme.
La précision du tracé de Megan permettait même de distinguer le petit insecte prisonnier du calcaire. Et Johan, une fois encore, fut étonné du luxe de détails apporté à son œuvre par la jeune artiste.
Il connaissait maintenant le talent exceptionnel de Megan. C'était le dessin. Elle était capable de reproduire les formes et les couleurs avec beaucoup d'exactitude. Mais pas de façon mécanique comme le ferait un appareil photographique. Elle y ajoutait des particularités qui provenaient du plus profond de son âme, des émotions qui exprimaient la vie et le mouvement, des choses qui n'avaient pas forcément encore de réalité, mais qui pourraient peut-être exister un jour.
Il fallait qu'il demande à Megan de lui dessiner le mur de la grande salle de la Maison paroissiale. Elle lui révélerait surement ce qui lui cause ce malaise à la vue de la lumière violente qui émane des deux baies vitrées de l'escalier. Et ce qu'il faut faire pour y remédier.
1 NdA - Cette anecdote, à la cascade, se situe chronologiquement dans le chapitre 6 - Megan et Kyle.
2 Luc 8:8
3 Saint-Colomban d'Iona est un moine irlandais qui apporta l'évangile en Ecosse au VIème siècle. La tradition écossaise raconte qu'il dompta le fameux monstre du Loch Ness. On lui prête le don de prophétie.

vendredi 24 janvier 2014

Équation de la courbe du bizutage

Pour ceux qui voulaient connaitre l'équation de la courbe, la voici. Mais ce sera au prix d'un petit cours de mathématiques.

La courbe, utilisée pour fabriquer l'emblème de l'ENSAIS pour la promotion 1977-1980, fait partie de la famille des néphroïdes, dont l'équation générique est la suivante :


Ce qui, pour a=1, donne le graphe suivant :




Voici l'équation précise, définie dans le règlement du bizutage, donnée aux étudiants de première année. Les coefficients de l'équation originale ont été adaptés pour obtenir la forme et les dimensions requises :



Voici le graphe de l'emblème sur lequel les bizuts doivent mentionner leur nom et leur prepa. Deux trous sont percés pour passer la cordelette de 23 nœuds espacés de 3cm :






vendredi 17 janvier 2014

A la forge de Galdwinie


A la forge de Galdwinie1
A la demande du forgeron de Galdwinie, Johan et Lisbeth, accompagnés de Megan, étaient en train de compter le nombre d'appliques murales qu'il fallait fabriquer pour remplacer celles bon marché qui complétaient l'éclairage de la grande salle. MacGobha, qui venait d'achever la restauration du lustre majestueux en fer forgé qui en assurait l'éclairage principal, avait fait cette proposition, en constatant que le design contemporain de celles-ci jurait maintenant avec le reste du mobilier classique rénové. Et Johan, qui souhaitait instaurer une atmosphère médiévale dans la Maison paroissiale, avait accepté cette offre avec reconnaissance.
— Il en faut 10 doubles pour les poutres qui soutiennent la galerie et 14 simples pour l'éclairage de celle-ci, en haut, constata le garçon.
— Kyle, peux-tu aller le dire à ton père ?
Et cherchant des yeux le petit garçon qui le suivait partout habituellement :
— Où est Kyle ?
— Il n'est pas venu ce matin, signala Moïra, la jeune fille dynamique qui encadrait les jeunes chargés du nettoyage et de la restauration des boiseries.
— Oui ! Se souvint Lisbeth. Il devait rester aider son frère à la forge, car MacGobha avait été appelé à la distillerie pour cercler et mettre en eau des barils.
— Bon ! Je vais devoir aller à la forge. Lisbeth, tu continueras de passer les câbles.
— Toute seule ? Ça ne va pas être facile. En plus, je ne suis pas sure de bien savoir ce qu'il faut faire par endroit.
— Je peux y aller, si tu veux, proposa Moïra.
— Oui ! Merci ! C'est vraiment sympa de ta part. Ça m'arrange !
Et il lui transmit les consignes qu'elle devait communiquer au forgeron. La jeune fille les quitta.
— Mais où va-t-elle ? demanda Johan, constatant qu'elle ne dirigeait pas vers la forge.
— Là où tu ne peux pas aller pour elle, suggéra Lise.
— Elle va se refaire une beauté, avant d'aller voir son amoureux, plaisanta un des jeunes qui travaillait avec Moïra.
— Qui ça ? demanda Lise, curieuse.
— Ben, Bruce, le fils du forgeron.
— En fait, on n'en sait rien, protesta une fille.
— Mais c'est évident. N'y a qu'à voir comment ils se regardent.
— En tout cas, ce n'est pas gagné leur affaire !
— Que voulez-vous dire ? Demanda Lisbeth.
— Que Bruce, qui est capable de faire faire un demi-tour complet à un tronc de 20 pieds de long au Caber2 :, perd tous ses moyens quand il voit Moïra.
— Et alors ! Je trouve ça particulièrement romantique, s'exclama la jeune française.
— Sauf que Moïra attend désespérément que Bruce le timide ne lui fasse une déclaration.
— Et dans l'état où elle s'est mise ce matin, ça ne va pas contribuer à améliorer ses chances.
De fait, la jeune fille, sujet de la discussion, toute à sa tâche, s'était dépensée toute la matinée avec sa générosité habituelle. Sale, couverte de poussière, son abondante chevelure à moitié décoiffée, elle ne paraissait certes pas à son avantage.
Pourtant, lorsqu'ils la virent repasser, un quart d'heure après, cette fois en direction de la forge, elle s'était débarbouillée et changée. Ses cheveux nattés avaient retrouvé leur équilibre accoutumé. La petite Megan, toujours imprévisible s'élança alors à sa poursuite.
— Les deux MacGobha vont avoir affaire chacun à leur amoureuse, plaisanta encore l'un des garçons.
— Arrêtez vos sarcasmes ! Si chacun se mêlait de ses propres affaires, ce serait peut-être plus facile, éclata Johan, sensible à cause de ses propres déboires sentimentaux avec sa cousine Sharon. Et vis-à-vis de Megan, c'est particulièrement cruel, ajouta-t-il.
— N'empêche que Kyle s'est battu pour Megan à l'école. Et contre dix grands à la fois, encore.
— Mais pourquoi ?
— Parce qu'ils se moquaient d'elle.
Le jeune français était doublement étonné. D'abord que Megan, la petite fille handicapée, soit capable d'inspirer un tel dévouement. Et ensuite que Kyle, ce garçon qui paraissait si peu motivé, soit capable d'un tel acte de bravoure.
Décidément, ces vacances se révélaient pleines de surprises.
*
* * *
*
A la forge, Bruce MacGobha était mécontent.
Bien qu'étudiant la mécanique dans un établissement de Perth, car il avait l'intention d'ouvrir un garage à Galdwinie, il profitait de ses vacances pour aider son père. Il aimait beaucoup ce travail et était particulièrement robuste et adroit. Il avait lui-même participé à la restauration du grand lustre de la salle paroissiale, étudiant avec Johan le moyen de faire circuler les fils électriques en les camouflant.
Pourtant, aujourd'hui, rien n'allait comme il fallait. Son père l'avait chargé de façonner des fers à cheval, et l'ouvrage n'avançait pas comme il voulait. Le métal était soit trop chaud, soit pas assez et éclatait sous ses coups de plus en plus rageurs. Et il en attribuait la faute à son petit frère, qu'il ne trouvait pas assez empressé à l'aider. Au moment d'étamper3 il interpella vigoureusement le garçon :
— Kyle ! Vient m'aider, s'il te plait !
Le petit, de constitution plus frêle que son frère, abandonna l’énorme soufflet qu'il actionnait pour acheminer l'air vers le foyer où son aîné faisait chauffer les fers, et s'empara de la lourde tenaille que celui-ci lui tendait.
— Tiens ! Attrape ça ! Et maintiens fermement le fer sur l'enclume pendant que je frappe.
Mais le fer avait refroidi. Et le coup de masse asséné par Bruce déclencha une onde de choc qui résonna dans le manche de la pince, forçant Kyle à lâcher l'outil sous la douleur. La pièce de métal chauffée, en tombant, enflamma les quelques fétus de paille qui traînaient sur le sol. Bruce comprit pourquoi son père insistait tant pour garder le local propre. Ce qu'il avait omis de faire lorsqu'il avait renouvelé les fers des chevaux du centre équestre voisin, plus tôt dans la matinée.
La crainte d'avoir blessé son petit frère le fit s'emporter.
— Quand je pense que tu es deux fois fils de forgeron4. Tu n'arrives à rien. Pourquoi n'as-tu pas balayé ?
Mais voyant les larmes dans les yeux du petit, il se radoucit.
— Ça va aller ? Demanda-t-il plus doucement.
— Oui ! T’inquiète ! Je n'ai rien ! J'ai juste été surpris, répondit Kyle essayant de maîtriser son émotion.
Le jeune homme attrapa la gamelle d'eau qui lui servait à mouiller les braises lorsque le feu devenait trop vif et la vida sur le sol pour éviter que le début d'incendie ne se propage. Puis il remit le fer au feu. Pendant ce temps, le petit s'était emparé d'un balai pour nettoyer le sol de la forge.
— Voilà Moïra, signala Kyle.
Relevant la tête, Bruce vit en effet arriver la jeune fille qui venait faire la commission dont l'avait chargé Johan. Il la trouvait vraiment jolie vêtue de son jean et de sa chemise à carreau, sa longue natte rousse balançant au rythme de sa démarche gracieuse.
A la petite école, Bruce et Moïra s'étaient juré de se marier ensembles. Et depuis, il avait entretenu avec elle une relation affectueuse, participant à de nombreuses activités avec son amie. Avec Sharon et Michael, les petits-enfants du Laird qui était son parrain, ils avaient même formé une équipe de Curling5 et ils gagnaient régulièrement le tournoi du Comté.
Pourtant, depuis l'arrivée des français, Moïra passait tout son temps avec les jeunes du manoir. Et il avait l’impression qu'elle le snobait. Ce qui l’agaçait profondément.
— A fréquenter les gens de la haute, elle a pris la grosse tête, pensa-t-il.
Il convenait pourtant que cette réflexion était particulièrement injuste. Le Laird et son grand-père, dont il avait hérité le prénom, étaient amis d'enfance. Le propriétaire du manoir était son parrain. Et aucun de ses habitants ne manifestaient de supériorité vis à vis de la population du village.
Bien au contraire, Charles et Evelyn avaient montré une grande solidarité en hébergeant dans leur vaste demeure épargnée, les victimes de la tempête qui avait saccagé les toitures du bourg, pendant que les habitants se mobilisaient pour réparer les habitations endommagées. Cet événement, qui aurait put laisser des traces traumatisantes, était évoqué maintenant comme un agréable souvenir dans la mémoire collective. Surtout pour les enfants qui avaient été particulièrement gâtés par Evelyn, Sarah et Sharon.
Sa mauvaise humeur du moment s'était déclenchée lorsque Kyle, obligé de rester à la forge pour l'aider, avait manifesté plusieurs fois son désir de rejoindre les français à la Maison paroissiale. Et il dut reconnaître que, sachant Moïra là-bas, lui aussi éprouvait le besoin irrésistible de l'y rejoindre.
Il aurait aimé éclaircir la situation avec la jeune fille. Mais ayant appris ce qui s'était passé entre Sharon, la petite-fille du Laird et son cousin français, il redoutait de subir la même rebuffade.
— Salut, Kyle. Bonjour, Bruce.
— Salut, Moïra ! Répondirent les garçons.
— Ça se passe bien, à la Maison, avec les français ? Demanda Bruce.
— Oui, ça avance bien. Ils ont presque terminé de passer les câbles. Et toi, ça va comme tu veux ?
— Pas vraiment ! Depuis ce matin, je ne fais que des bourdes. J'ai manqué de blesser Kyle et j'ai même failli mettre le feu à la forge, avoua honnêtement le jeune homme.
— Qu'as-tu médité ce matin ? Demanda la jeune fille.
Lorsque Sharon avait donné son témoignage à l'église, à la veillée pascale, et que le Père Keneth avait demandé, à tous ceux qui voulaient s'engager avec Jésus pour devenir ses disciples, de s'avancer, Moïra et Bruce s'étaient retrouvés cote-à-cote pour recevoir la bénédiction du prêtre et la petite croix en bois que Kathleen et la petite-fille du Laird leur passaient autour du cou.
Moïra souhaitait créer un service de secrétariat à domicile pour assurer les tâches administratives des petites entreprises, des exploitations agricoles et des personnes isolées qui ne pouvaient se déplacer, disséminées dans le Comté. Pour cela, elle suivait des cours par correspondance en secrétariat et en comptabilité. Sauf deux jours par semaine où elle était obligée d'aller à Perth pour des regroupements pédagogiques, son apprentissage lui permettait de rester à Galdwinie.
Elle participait régulièrement aux réunions de prières et aux études bibliques animées par Sharon et Kathleen avec les autres jeunes du village. De temps en temps, Bruce, moins disponible se joignait à eux. Elle avait l'habitude de partager avec lui sa lecture quotidienne, lorsqu’elle avait l’occasion de le rencontrer.
A la réponse brouillonne et approximative marmonnée par son interlocuteur, Moïra comprit que Bruce n'avait pas ouvert sa bible, ce matin là.
— En ce moment, je suis en train de lire le livre de l'Exode, dit-elle. J'en suis au chapitre 31. Ce matin, j'ai médité sur le début de ce chapitre :
L'Eternel parla à Moïse, et dit: Sache que j'ai choisi Betsaleel, fils d'Uri, fils de Hur, de la tribu de Juda. Je l'ai rempli de l'Esprit de Dieu, de sagesse, d'intelligence, et de savoir pour toutes sortes d'ouvrages, je l'ai rendu capable de faire des inventions, de travailler l'or, l'argent et l'airain, de graver les pierres à enchâsser, de travailler le bois, et d'exécuter toutes sortes d'ouvrages. Et voici, je lui ai donné pour aide Oholiab, fils d'Ahisamac, de la tribu de Dan. J'ai mis de l'intelligence dans l'esprit de tous ceux qui sont habiles, pour qu'ils fassent tout ce que je t'ai ordonné.
Exode 31:1-6
— J'ai été frappée par la similitude des situations entre la construction du tabernacle par Moïse et la restauration de la Maison paroissiale. Et ce matin j'ai prié que le Seigneur suscite des talents et des aides pour achever les travaux entrepris. Veux-tu que nous priions ensemble à ce sujet maintenant ?
Bruce abandonna sa masse pour se rapprocher de la jeune fille. Les deux petits, voyant leur attitude recueillie s'intercalèrent entre eux et leur prirent la main pendant que Moïra formulait sa prière d'action de grâce et sa requête.
— Le lustre est magnifique, reprit Moïra. J'aime beaucoup les sarments de vignes, partant de la croix centrale pour aboutir aux lourdes grappes supportant les bougies. Cela me rappelle la parabole du cep et des sarments :
Je suis le cep, vous êtes les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure porte beaucoup de fruit, car sans moi vous ne pouvez rien faire.
Jean 15:5
— C'est Bruce qui les a forgés, indiqua Kyle, très fier de son grand-frère.
— Je n'ai fait que reproduire un dessin de Kyle, dit le jeune homme.
— En fait, le dessin, c'est Megan qui me l'avait donné, reconnu le petit.
— Tu avais quelque chose à demander en venant ici ? demanda Bruce.
Moïra délivra le message, concernant les appliques murales, dont l'avait chargée Johan.
— Le jeune Laird te fait dire aussi qu'il aura besoin de toi pour fixer les armatures qui vont maintenir l'armoire électrique dans le local de service.
— OK, je passerai en début d'après-midi, répondit le jeune homme qui voyait là une occasion de revoir la jeune fille qu'il aimait.
Pendant ce temps là, Megan s'était rapprochée du fourneau où chauffaient les fers. Elle aimait beaucoup regarder les braises rougir et blanchir sous le souffle bruyant de l'air qui y était acheminé. Et surtout les petites étincelles qui papillonnaient au dessus. Cela ressemblait à un feu d'artifice en miniature.
Pour faire plaisir à sa petite amie, Kyle s'empara de la poignée du soufflet et se mit à l'actionner avec plus de vigueur qu'il n'en avait montrée au cours de la matinée. Cela déclencha une pluie d'étincelles qui fit rire la petite fille. Et Kyle redoubla d'effort, car il adorait entendre le rire de Megan, ce qui arrivait rarement.
Moïra partie, Bruce se remit au travail.
Soit par l'effet de la prière, soit sous l'action du soufflet manœuvré par Kyle, peut-être les deux, les fers se trouvèrent être à la bonne température et Bruce put les façonner facilement.
Le travail que son père lui avait demandé étant terminé, il commença à façonner les appliques qui devaient éclairer la galerie de la Maison paroissiale.
— Si j’arrive à en fabriquer une de chaque sorte, je pourrai les apporter au français dans l'après-midi pour les essayer avant d'entreprendre la fabrication de toute la série.
1 NdA - Cette anecdote, à la forge de Galdwinie, se situe chronologiquement dans le chapitre 6 - Megan et Kyle.
2 Caber : Épreuve de force organisée lors des manifestations sportives écossaises, où le champion doit lever un tronc d'arbre ou un poteau de bois dont la longueur varie entre quatre et six mètres, puis le lancer pour que celui-ci retombe verticalement sur l'autre extrémité après avoir effectuer un demi-tour parfait.
3 Etamper : Action qui consiste à frapper le fer vigoureusement à l'aide d'un outil pointu — l'étampe — pour y percer les trous dans lesquels sont enfoncés les clous qui permettent de le fixer au sabot du cheval.
4 Ce récit a été rédigé en français. Ce qui ne permet pas de traduire le jeu de mot formulé par Bruce sur son nom. En effet, en gaélique écossais, « Mac » veut dire « fils de » et « Gobha » veut dire « forgeron ». MacGowan, qui est un nom courant dans le Royaume-Uni, vient de la même racine.
5 Curling : Sport d'hiver écossais, qui se pratique sur la glace, où l'un des joueurs lance un gros galet de granite en direction d'une cible tracée sur le sol, pendant que les membres de son équipe armés de balais brossent vivement la glace pour tenter de modifier la trajectoire du galet pour le rapprocher du but.

jeudi 16 janvier 2014

A propos de Flatland

Flatland est une nouvelle écrite en 1884 par un professeur de théologie anglais, Edwin Abbott Abbott (1838-1926) pour se moquer des coutumes et des croyances étriquées de l'époque victorienne.

Les personnages de cette fiction sont des figures géométriques qui évoluent dans un univers plat à deux dimensions. Le personnage principal est un Carré mathématicien. Dans un premier temps il visite Lineland un univers à une dimension où il est confronté à la difficulté à expliquer son univers à deux dimensions. Dans un deuxième temps, il reçoit la visite d'une sphère qui éprouve les mêmes difficultés à lui faire percevoir la troisième dimension. A remarquer que lorsque le Carré, dans sa logique mathématique, évoque par extrapolation l'existence d'une quatrième dimension, la sphère en dénie l'existence.

Vous pouvez lire cette nouvelle sur internet à l'adresse suivante :
http://www.geom.uiuc.edu/~banchoff/Flatland/

Une traduction française peut être lue à cette adresse :
http://www.ebooksgratuits.com/html/abbot_flatland.html

Pour ceux qui, comme moi, préfèrent lire dans un vrai livre, cette nouvelle vient d'être ré-éditée en Français :

Flatland
Une aventure à plusieurs dimensions
Edwin Abbott Abbott
Editions Librio
ISBN 978-2-290-05409-3

mercredi 15 janvier 2014

De Flatland à l'Evangile

De Flatland à l'Evangile1
Grand-Père était dans son bureau en train de travailler, lorsque quelqu'un frappa à la porte. A son habitude, il abandonna son activité en cours pour se rendre disponible à son visiteur.
— Entrez ! Ah ! C'est toi Johan ! Il y a un problème  ?
— Non ! Rassure-toi ! Je venais juste te rendre ton livre sur Flatland.
— Sacha Guitry, un de tes compatriote, a dit : « Les bon livres sont tellement vexés quand on les prête, qu'ils ne reviennent jamais ». C'est très gentil à toi de me le rapporter. Cela t'a plu  ?
— Oui ! Beaucoup ! Mais le fait que les femmes, dans Flatland, soient matérialisées sous la forme d'un segment de droite, donc avec peu d'intelligence qui, dans ce monde fictif ,est proportionnelle à la surface occupée, me paraisse un tantinet misogyne. J'imagine la tête de Lise en lisant ce livre. Encore que l'idée qu'elles soient obligées de se tortiller le popotin pour se signaler, alors que visuellement dans Flatland elles sont réduites à un point lorsqu'elles font face à leur interlocuteur, me rappelle quelques analogies séduisantes.
— Granny l'a lu. Et cela l'a beaucoup amusée. Mais n'oublie pas que ce livre a été écrit il y a 100 ans, par un professeur de théologie anglicane, dans l'austérité sévère et les préjugés de l'époque pour se moquer des coutumes et des croyances étriquées de l'ère victorienne. Alors qu'en as-tu pensé  ?
— En me le faisant lire, je suppose que tu cherchais à me faire admettre l'idée d'une dimension divine supérieure. Mais dois-je te rappeler que la sphère de Spaceland souligne au carré de Flatland que la troisième dimension n'a absolument rien de divin et qu'un simple cube, habitant Spaceland admet cette troisième dimension comme quelque chose de tout à fait naturel.
— Mais Johan, le carré lui-même, par extrapolation, suggère à la sphère l'existence d'une quatrième dimension que celle-ci refuse d'admettre. D'extrapolation en extrapolation, ne pourrait-on admettre l'existence d'une cinquième, puis d'une sixième, et ainsi de suite jusqu'à une énième se rapprochant de la Divinité  ?
— Oui  ! Je suppose qu'il y en a effectivement potentiellement beaucoup. Mais toutes ces dimensions, pour qu'elles soient tangibles, devraient être habitées. Et qui nous dit qu'elles le soient vraiment. Elles sont certainement vides d'ailleurs. Car le carré, pour percevoir, la troisième dimension, a du rencontrer une sphère qui accepte de se trouver en intersection avec le plan qui définit l'univers plat du carré. Et rien de tel n'a été observé ni relaté dans toute l'histoire de l'humanité.
— Mais peut-être que Jésus, se présentant comme Dieu ayant accepté notre humanité correspond justement à une de ces intersections dont tu parles. Saint-Jean l'évangéliste a écrit :
Personne n'a jamais vu Dieu; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, est celui qui l'a fait connaître.
Jean 1:18
— Et un peu plus loin :
Jésus lui dit: Je suis le chemin, la vérité, et la vie. Nul ne vient au Père que par moi. Si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père. Et dès maintenant vous le connaissez, et vous l'avez vu.
Philippe lui dit : Seigneur, montre-nous le Père, et cela nous suffit. Jésus lui dit : Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne m'as pas connu, Philippe ! Celui qui m'a vu a vu le Père; comment dis-tu : Montre-nous le Père  ? Ne crois-tu pas que je suis dans le Père, et que le Père est en moi  ? Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même; et le Père qui demeure en moi, c'est lui qui accomplit ses œuvres.
Jean 14:6-10
— N'empêche, que pour convaincre le carré de l'existence de la troisième dimension, la sphère a été obligée de le détacher du plan formant son univers pour lui montrer un univers en perspective.
— Oui ! Certes ! C'est ce qu'il faudrait faire s'il s'agissait de convaincre. Mais Dieu préfère le chemin de la foi. Encore que, dans le chapitre 3 du même évangile, Jésus, en répondant à Nicodème, le pharisien, estime qu'il possède déjà toutes les preuves :
Jésus lui répondit : Tu es le docteur d'Israël, et tu ne sais pas ces choses ! En vérité, en vérité, je te le dis, nous disons ce que nous savons, et nous rendons témoignage de ce que nous avons vu; et vous ne recevez pas notre témoignage. Si vous ne croyez pas quand je vous ai parlé des choses terrestres, comment croirez-vous quand je vous parlerai des choses célestes  ? Personne n'est monté au ciel, si ce n'est celui qui est descendu du ciel, le Fils de l'homme qui est dans le ciel. Et comme Moïse éleva le serpent dans le désert, il faut de même que le Fils de l'homme soit élevé, afin que quiconque croit en lui ait la vie éternelle.
Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle.
Jean 3:10-16
— Ça, ça marche pour ceux qui ont connu Jésus. Mais pour les autres  ? C'est particulièrement injuste, objecta Johan.
— Saint-Paul a aussi une réponse pour eux dans l’épître aux Romains :
La colère de Dieu se révèle du ciel contre toute impiété et toute injustice des hommes qui retiennent injustement la vérité captive, car ce qu'on peut connaître de Dieu est manifeste pour eux, Dieu le leur ayant fait connaître. En effet, les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient comme à l’œil, depuis la création du monde, quand on les considère dans ses ouvrages. Ils sont donc inexcusables, puisque ayant connu Dieu, ils ne l'ont point glorifié comme Dieu, et ne lui ont point rendu grâces; mais ils se sont égarés dans leurs pensées, et leur cœur sans intelligence a été plongé dans les ténèbres. Se vantant d'être sages, ils sont devenus fous; et ils ont changé la gloire du Dieu incorruptible en images représentant l'homme corruptible, des oiseaux, des quadrupèdes, et des reptiles.
Romains 1:18-23
— Mais personne n'adore plus de telles idoles. Au contraire, j'ai l'impression que personne ne croit plus en rien.
— Pourtant, cette conscience du divin pousse les hommes vers les sectes qui sont de plus en plus nombreuses.
— Mais ces sectes exploitent les gens qui sont dans le désespoir. Pour les autres ce n'est pas pareil, objecta Johan.
— Crois-en ma longue expérience de professeur de philosophie. Tous les hommes sont dans le désespoir. Ils le camouflent par des parcelles d'espérance, basée sur le matérialisme : la prochaine promotion qu'ils vont avoir, la chaîne HiFi, ou la belle voiture qu'ils vont acquérir, la jolie fille qu'ils vont mettre dans leur lit, et pire que tout, l'argent qu'ils vont amasser pour obtenir tout le reste. Lorsque l'un de leurs objectifs est atteint, ils se retrouvent errants sans but jusqu'à la construction d'un autre dessein plus ou moins accessible. Car ce sentiment d'insatisfaction les pousse à exiger toujours plus, étant finalement prêts à sacrifier leurs proches, puis à sombrer dans la délinquance, voire dans le crime pour l'atteindre.
— Mais tous ne sombrent pas dans la délinquance. Souvent, au contraire, ils s'investissent dans des œuvres caritatives.
— Oui, c'est dans le meilleur des cas. Toutefois, lorsqu'ils échouent, leur désespoir resurgit, et comme tu le dis dans tes démonstrations mathématiques, on se retrouve au cas précédent.
— Mais tous n'échouent pas.
— Oui, c'est le cas pour ces œuvres qui sont d'inspiration divines. Mais dans leur orgueil humain, ceux qui les pratiquent pensent y avoir trouvé LA vérité et ils cherchent à l'imposer comme une règle de vie pour tout le monde, jusqu'à devenir en quelque sorte des dictateurs.
— Ça me rappelle certains chanteurs, qui viennent faire un show pour parrainer une quête, pour le cancer, par exemple.
— J'ai toujours trouvé étonnant ces vedettes de cinéma ou de la télévision, profitant de leur célébrité pour fustiger les spectateurs leur mettant la pression pour donner de l'argent pour telle ou telle cause. Cela frise la manipulation de masse.
— Mais elles-mêmes, elles s'engagent personnellement en faisant cela. Elles font leur show gratuitement, objecta Johan.
— Oui, mais cela ne leur coûte rien en réalité. Ou peu, relativement à ce qu'elles exigent des autres. Peut-être même que cela leur rapporte en fin de compte, car leur bizness, comme ils disent, s'appuie sur leur notoriété. Jésus dénonce cela dans l'évangile de Saint-Marc :
Je vous le dis en vérité, cette pauvre veuve a donné plus qu'aucun de ceux qui ont mis dans le tronc; car tous ont mis de leur superflu, mais elle a mis de son nécessaire, tout ce qu'elle possédait, tout ce qu'elle avait pour vivre.
Marc 12:43-44
— Il y en a aussi qui s'approprient une œuvre, reprit Grand-Père. Ce qui les valorise, s'offusquant lorsque quelqu'un d'autre prétend pratiquer la même activité. Cela arrive même dans nos petites paroisses où certaines personnes, viennent se crêper le chignon dans ce bureau ou dans le bureau du Père Keneth pour exiger de nous un arbitrage, oubliant ainsi l'objectif du service à rendre et Celui qui l'a suscité par le Saint-Esprit.
— Oui ! C'est ce qui se passe aussi chez les chrétiens des différentes religions où chacun impose ses propres règles jusqu'à prescrire son baptême comme le seul valable, objecta encore Johan.
— Oui ! Effectivement. La pire manifestation de ce phénomène se produit dans le milieu religieux chrétien. Et c'est regrettable car nous donnons une image détestable en imposant nos règles respectives plutôt que de se contenter de témoigner de la bonne nouvelle de Jésus ressuscité et d'obéir à ce que nous inspire personnellement le Saint-Esprit. C'est justement ce que reprochait Jésus aux religieux de son temps quand il leur disait :
Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! parce que vous fermez aux hommes le royaume des cieux; vous n'y entrez pas vous-mêmes, et vous n'y laissez pas entrer ceux qui veulent entrer.
Matthieu 23:13
— Dans ce chapitre 23 de l'évangile de Saint-Matthieu, Jésus interpelle huit fois les chefs religieux par cette expression "Malheur à vous", énumérant toutes les dérives religieuses que nous connaissons dans nos églises. Au début de ce chapitre, il accuse même les chefs religieux d'imposer des règles qu'eux mêmes ne veulent pas appliquer :
Les scribes et les pharisiens sont assis dans la chaire de Moïse. Faites donc et observez tout ce qu'ils vous disent; mais n'agissez pas selon leurs œuvres. Car ils disent, et ne font pas. Ils lient des fardeaux pesants, et les mettent sur les épaules des hommes, mais ils ne veulent pas les remuer du doigt.
Matthieu 23:2-4
— J'ai un ami protestant, au lycée, qui m'a soutenu que ces versets s'adressent aux catholiques.
— Je sais. Il est assez coutumier de penser que les versets de la Bible qui nous touchent, ne soient adressés qu'aux autres. Le Père Keneth pourra te l'expliquer mieux que moi. Car, il a rencontré des chrétiens de toutes religions lorsqu'il était à Taizé. Ceci étant, d'un point de vue sémantique, le protestantisme est une dissidence de l'église catholique causée par les abus de l'une et les intolérances de l'autre. Mais eux-mêmes n'échappent pas à la dérive dont ils ont été les initiateurs. De dissidence en dissidence, il existe maintenant plus de 350 religions chrétiennes dont certaines se considèrent comme les seuls vrais chrétiens. Et je ne compte pas les sectes qui se multiplient, qui offrent un message qui ressemble beaucoup au christianisme, mais qui n'ont qu'un seul but, satisfaire la mégalomanie du gourou qui les dirige. Tous les chrétiens, qui prétendent appliquer la Parole de Dieu contenue dans la Bible devrait s'approprier ce que dit Saint-Paul dans l’épître aux éphésiens, car ces dérives existaient déjà dans l'église primitive au temps de l’apôtre :
Je vous exhorte donc, moi, le prisonnier dans le Seigneur, à marcher d'une manière digne de la vocation qui vous a été adressée, en toute humilité et douceur, avec patience, vous supportant les uns les autres avec amour, vous efforçant de conserver l'unité de l'esprit par le lien de la paix. Il y a un seul corps et un seul Esprit, comme aussi vous avez été appelés à une seule espérance par votre vocation; il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous, et parmi tous, et en tous.
Mais à chacun de nous la grâce a été donnée selon la mesure du don de Christ.
Ephésiens 4:1-7
— Et Jésus, le Fils de Dieu, qui connaissait l'humanité avait aussi prévu ces dérives en nous donnant par deux fois, la veille de sa mort, ce commandement :
Je vous donne un commandement nouveau: Aimez-vous les uns les autres; comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres. A ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l'amour les uns pour les autres.
Jean 13:34-35
Voici mon commandement: Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés. Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. Vous êtes mes amis, si vous faites ce que je vous commande.
Jean 15:12-14
— Et plus tard dans la soirée dans la prière que fait Jésus :
Ce n'est pas pour eux seulement que je prie, mais encore pour ceux qui croiront en moi par leur parole, afin que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et comme je suis en toi, afin qu'eux aussi soient un en nous, pour que le monde croie que tu m'as envoyé.
Jean 17:20-21
— Le fait que toutes ces divisions existent pourrait être considéré par les non chrétiens comme la preuve que Dieu n'existe pas, ou que s'Il existe, c'est inutile de croire en Lui car le christianisme a échoué, objecta encore le garçon.
— C'est pourquoi il est du devoir des chrétiens de publier cette bonne nouvelle de Jésus-Christ. C'était exactement le sens de la démarche de Kathleen vis à vis de Sharon, et de Sharon vis à vis des jeunes du village et de Lisbeth et toi.
— Mais nous sommes déjà chrétiens, nous.
— Peut-être ! La question que je poserais, c'est : Chrétien ou religieux  ? En ce qui te concerne, tout dépend de comment TOI, tu t'es approprié cette bonne nouvelle :
Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle.
Jean 3:16
1 NdA - Cet échange entre Johan et son grand-père se situe chronologiquement entre le chapitre 5 - La Maison Paroissiale et le chapitre 6 - Megan et Kyle.